La ministre conservatrice de l'Économie Katherina Reiche réclame la construction d'ici 2030 de nouvelles centrales à gaz d'une capacité de production d'environ 20 gigawatts.

( AFP / JODY AMIET )
Objectif : garantir l'approvisionnement électrique d'un secteur industriel en crise. Les conservateurs allemands au pouvoir sont est en train d'opérer un virage éngergétique qui pourrait voir fleurir une multitude de centrales à gaz dans le pays. Un projet qui sème le malaise jusque dans la coalition et qui représente un "recul dramatique" selon l'opposition.
Garantir un approvisionnement énergétique fiable et abordable pour le secteur manufacturier est une promesse phare de la coalition du chancelier Friedrich Merz, alors que les déboires de l'industrie ont maintenu la première économie européenne en récession deux années de suite. Mais pour l'opposition de gauche, cette initiative, qui stimulerait les émissions de CO2, illustre le retour en arrière sur le plan climatique de la coalition qui allie conservateurs et sociaux-démocrates.
La ministre conservatrice de l'Économie Katherina Reiche réclame la construction d'ici 2030 de nouvelles centrales à gaz d' une capacité de production d'environ 20 gigawatts, soit l'équivalent de 40 centrales. Il faut "agir très rapidement" afin de "maintenir une sécurité élevée d'approvisionnement dans notre pays", martèle cette ancienne directrice d'une filiale du fournisseur d'énergie E.ON.
L'objectif serait de disposer d'une source d'énergie de secours en cas de pénurie d'énergies renouvelables, en l'absence de soleil et de vent , un problème de plus en plus important sur le marché de l'électricité puisque leur part augmente dans le mix énergétique allemand. Moins polluant que le charbon, le gaz naturel peut combler les trous jusqu'à ce que les énergies renouvelables soient suffisamment développées, assurent ses partisans.
Les objectifs nationaux remis en question ?
D'autant que l'Allemagne s'est sevrée définitivement du nucléaire en 2023 et doit renoncer à ses centrales à charbon d'ici 2038. Berlin s'est aussi engagé à augmenter sa part de renouvelable dans la consommation d'électricité à 80 % d'ici 2030, contre 55 % en 2024 selon l'agence fédérale pour l'environnement.
Début août, le gouvernement a donné son feu vert à un projet controversé de forage de gaz naturel au large d'une île de la mer du Nord, dans une zone à cheval sur la frontière néerlandaise, provoquant le courroux des Verts.
Robert Habeck, le prédécesseur écologiste de Katherina Reiche, souhaitait également augmenter la capacité des centrales à gaz, mais deux fois moins que la nouvelle ministre, et voulait les faire fonctionner avec de l'hydrogène dès que possible.
Symbole du changement d'époque, le ministère de Reiche est désormais celui de "l'Économie et de l'Énergie", perdant son étiquette d'"Action climatique" quand il était dirigé par Robert Habeck. La conservatrice a aussi questionné à demi-mot les objectifs nationaux , juridiquement contraignants, d'atteindre la neutralité climatique d'ici 2045, ce qui a suscité un conflit avec le ministre social-démocrate de l'Environnement Carsten Schneider.
Interrogé par l' AFP , un porte-parole du ministère assure que Katherina Reiche "soutient" les objectifs climatiques actuels. "Le gouvernement s'engage à atteindre ces objectifs avec les mesures politiques à sa disposition , tout en préservant la compétitivité de l'industrie allemande", ajoute-t-il.
"Recul dramatique"
Depuis son entrée en fonction, Katherina Reiche essuie les attaques des Verts et des militants écologistes, qui dénoncent ses liens avec l'industrie gazière et énergétique. Plus de 380.000 personnes ont signé une pétition de l'alliance citoyenne Campact contre son agenda politique, qui risque d'entraîner "un recul dramatique des politiques climatiques" selon le texte.
Même au sein des conservateurs, les critiques émergent de la part de l'Union pour le climat, une fraction du parti dédiée aux questions écologistes. Dans le quotidien financier Handelsblatt , celle-ci prévient que les subventions des futures centrales à gaz pourraient faire augmenter les coûts de l'électricité.
Toutefois, pour le groupe d'experts Agora Energiewende, 10 gigawatts supplémentaires d'ici 2030 seraient suffisants pour pallier les manques des autres sources d'énergie. "Cela garantirait la sécurité de l'approvisionnement, même si les centrales à charbon sont déconnectées du réseau comme prévu", a déclaré Philipp Godron, responsable du programme énergétique du groupe, à l' AFP .
Mais quand seront construites ces centrales ? Le feu vert de la Commission européenne se fait toujours attendre, ce qui prolonge les incertitudes. Les discussions avec l'UE concernant les appels d'offres pour une "partie importante" des centrales étaient "bien avancées", rétorque le porte-parole du ministère de l'Économie. Il souligne également que toute nouvelle centrale au gaz devra être "décarbonée à long terme", conformément à la "législation européenne".
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